La naissance de Cléo...


C'était le 17 Décembre et j'étais de garde pour des photos de naissance depuis 4 semaines déjà. Un mois à sursauter au moindre message texte, dormir un peu surexcité chaque fois que la maman avait un épisode de contraction ou un symptôme de début de travail. Ce soir là, en allant endormir mon bébé, je reçois un message texte comme quoi le travail est officiellement commencé. Camille me demande de venir pour prendre quelques photos ici et là lorsqu'elle ira se reposer enfin dans le bain, quand sa fille sera parti. Selon elle, je vais probablement repartir chez moi ensuite pour revenir un peu plus tard lorsqu'elle sera plus avancé dans son vortex. Comble du ridicule pour une ''doula'' de garde, nous n'avons plus de café à la maison et je sais que j'en aurai de besoin pour passer au travers de ma nuit! Je fais donc un petit arrêt au dépanneur avant de me rendre au domicile de mon amie. Comme nous habitons à 5 minutes l'une de l'autre, j'arrive rapidement après lui avoir dit que je partais de chez moi. La neige tombe tout doucement sur sa grande maison. Tout est calme dehors, son domicile brille d'un aura de confiance, de pouvoir, de naissance.


Lorsque j'entre dans la maison, c'est propre, ça sent bon, la magie est palpable et j'en profite pour faire quelques photos et vidéos de son lieu d'enfantement. Les décorations de son mama blessing que nous lui avions organisés il y a quelques semaines sont accrochés fièrement, la piscine est prête, les petites lumières rendent le tout magnifiquement doux. Je monte tranquillement à l'étage où Camille et Jonathan sont. J'entends Camille m'accueillir avant même que je n'entre dans la salle de bain. ''Allô Nomimi!''


J'ouvre la porte, il fait chaud et une douce lumière orangée m'accueille. Elle est là, confiante dans le bain, entourée de son homme, de ses chandelles, de ses colliers et ses cristaux. Son amoureux est assis devant elle avec son cellulaire pour compter chaque vague qui prennent d'assaut le corps de sa tendre moitié. Mon amie me parle entre ses contractions, elle me raconte sa journée, elle me dit qu'elle ne croit pas vraiment donné naissance cette nuit puisque à sa première grossesse, ce fût un travail de plus de 48h... Jonathan lui est confiant, il fait même une blague en disant que leur fille naîtra à 00h30, à peine 3h plus tard. Sa blonde rit et n'y crois pas du tout. Ou elle n'ose pas y croire. Je prends des photos ici et là, puis la sage-femme de Camille nous demande d'entendre les sons de cette dernière afin d'évaluer si elle doit s'en venir. Lors de l'appel, la maman parle comme si de rien était et sa praticienne ne peut pas vraiment deviner où elle en est dans son travail. Dès qu'elles raccrochent, une nouvelle contractions assaillent Camille et j'en profite pour enregistrer ses sons afin de les partager à la sage-femme pour qu'elle sache un peu plus l'état du travail de sa patiente. Elle me remercie et me texte qu'elle se met en route bientôt. Mon amie nous dit qu'elle se sent bien et confiante mais qu'elle aimerait faire avancé un peu le travail et que pour se faire, elle va sortir du bain. Par contre, elle angoisse un peu puisque son corps est très sensible à tout mouvement et qu'elle sait que les contractions deviendront plus intenses dès qu'elle se mettra à bouger. Comme de fait, dès qu'elle sort du bain, la vague qui la submerge semble plus forte et lui demande plus de concentration pour bien la gérer. Je sort de la salle de bain et descends dans la cuisine afin de lui laisser l'espace pour s'habiller.

En bas, Camille boit un peu d'eau, se balance et laisse ses hanches se bercer au rythme des vagues. Jonathan part un feu, on continue de parler et même de faire des blagues lorsque les contractions de Camille cesse. L'atmosphère de la pièce est remplie d'amour et de bonheur, ça sent l'ocytocine à plein nez. J'en suis encore à me demander si je reste avec eux ou si je retourne dormir un peu chez moi, allaiter mon bébé et revenir plus tard. Camille va s'installer sur son fauteuil en long et sourit après chaque vague. Elle a un peu mal au cœur, boit de l'eau, essaie de manger un popsicle. À ce moment là, alors que Jonathan organise quelques trucs, range la maison, s'occupe du feu, Camille me demande un câlin. C'est ça aussi, d'aller chercher de l'ocytocine où on peut. C'est un de mes moments préférés de cette naissance. La vague d'amour entre deux amies. Par la suite, le couple à travailler ensemble à l'aide d'une écharpe tissée afin de faire passer quelques contractions comme ça.


Maude arrive quelques temps après et je sens la fébrilité qui anime Cam et Jo. Ça semble plus concret, je vois qu'ils y croient vraiment et qu'il n'en manque pas beaucoup avant que Camille se permettre d'entrer plus pleinement dans son vortex. La maman est prête à ce qu'on examine son col, moment crucial dans son travail, moment où elle se rappelle avoir été énormément déçu lors de son premier accouchement. Sa sage-femme désire la laisser encore quelques minutes travailler afin qu'elle observe comment ça se passe. On écoute le cœur de bébé, puis le moment tant attendu, Maude évalue la dilatation du col de sa patiente. Camille nous dira par la suite qu'elle ne voulait vraiment se faire aucune attente quant au chiffre qui allait suivre. Elle voulait surtout être neutre quant au résultat. Mais, surprise! Elle est déjà dilaté à 6cm et dans la pièce, tout le monde est heureux et réalise que dans quelques heures, un nouveau bébé naîtra!!

Je me propose donc pour texter ses doulas afin qu'elles s'en viennent puisque Camille est déjà avancé dans son travail. Au même moment, Maude demande à me parler. La deuxième sage-femme ne peux s'en venir parce que son auto est prise sur une plaque de glace. Je demande donc à Rosalie et Annie si elles peuvent faire un détour pour aller chercher Milène. Comme elles sont vraiment loin, elles me demandent d'y aller. Je prends donc mes clés et je fonce! J'avoue à ce moment là avoir eu peur de manquer la naissance. J'ai eu peur que ce soit un autre accouchement où je ne verrai pas bébé naître, où je ne verrais pas la finalité et la beauté de cet évènement. Mais non, ouf, vingt minutes plus tard, je suis de retour avec Milène, qui était d'ailleurs ma sage-femme lors de la naissance de mon propre bébé. Que c'est beau ce cycle, cette roue qui tourne. Assister à la naissance du bébé de mon amie qui était ma doula avec ma sage-femme qui est la sienne aussi. Lorsque j'ai passé le pas de la porte, j'ai su que ça avait escaladé en intensité! Les sons que Camille faisait m'ont dit qu'elle s'était enfin permise de quitter notre réalité afin de monter dans son vortex de la naissance. Elle avait changé de place et était maintenant accroupi sur un petit coussin jaune de méditation et son amoureux était devant elle à la soutenir du mieux qu'il le pouvait.


Quelques minutes après que je sois revenue, les doulas de Camille sont arrivées. Petit fait cocasse, nous sommes toutes amies dans la vie. (Il ne manquait que Laurence, qui était présente en pensée, marraine fée de bébé. Je l'ai texté tout au long de la naissance pour qu'elle soit avec nous.) Lorsque Cam à vue ses doulas, elle s'est mise à pleurer, de soulagement, d'amour, de confiance. Seule la présence de ses doulas à réussit à apaiser ses contractions. Comme quoi, quand on s'entoure d'amour, le reste suit. Les vagues sont plus fortes, plus intenses, plus rapprochés aussi. À ce moment, Camille vomit sous l'intensité du serrement de son utérus. Rosalie et Annie la soutiennent avec des débarbouillettes d'eau froide, des breuvages pour l'hydraté, leurs mains douces.

Camille décide d'aller faire vider sa vessie au toilette afin que ce soit optimal pour la descente de son bébé dans son bassin. Les quelques contractions qui ont été prises sur la toilette sont intenses et fortes. Camille laisse aller tout les sons qu'elle a besoin d'exprimer. Elle se tortille, crie, laisse sortir des sons forts et intenses. À ce moment, mon cœur débat, je prends des photos et des vidéos mais je me sens tellement impuissante. C'est une partie de la naissance qui, de l'extérieur peut avoir l'air épeurant, mais qui est tellement normale et physiologique. Ses doulas sont à ses côtés dans la salle de bain, sans rien dire. Elles sont là et c'est ce qui importe. C'est ce dont elle a de besoin.

Par la suite, elle décide d'aller dans la piscine et lorsqu'elle entre dedans, le soulagement est immédiat. Tout son corps se détend et elle semble appréciée la chaleur et la pression de l'eau sur son corps. Même si les contractions sont encore vraiment intenses, l'immersion dans la piscine agit comme un petit baume et offre à Camille une nouvelle dose d'endorphines naturelles. Camille a alors des pauses un peu plus longue entre ses contractions. On sent alors la quiétude qui s'installe dans tout le corps de la maman. Annie est assise devant Camille et lui offre une débarbouillette d'eau froide sur son dos, lui tient la main, détend ses sourcils. Rosalie se tient un peu plus loin et prépare des compresses d'eau froide.

Lors des dernières contractions, Camille dit qu'elle sent que ça commence à pousser. Maude lui dit qu'elle est confiante et que c'est possible. Si elle le désire, elle conseille à Camille de se laisser aller dans ses sensations, sans toutefois pousser plus que son corps. Cela ne rassure pas cette dernière et elle désire quand même avoir un toucher vaginal pour confirmer que son col est favorable à la poussée. Sans grande précision, la sage-femme dit qu'elle est environ à 9cm, qu'il ne reste qu'une mince bande de col, elle a confiance que la naissance est imminente. Lorsque la sage-femme à vérifié le col de Camille, celle-ci s'est placé sur le dos, et elle est ainsi resté comme ça jusqu'à la fin de l'accouchement. On pourrait même croire qu'elle dort entre les contractions. Les vagues qui ont suivis ont été rugis. C'est animal, c'est instinctif, les cris que Camille poussent sont graves et témoignent de la sagesse des femmes à mettre au monde leur bébés. Puis, un dernier rugissement, plus long, plus grave survient. Elle se tortille, elle hurle, elle se prend prend le ventre et toute calme, nous chuchote que ça chauffe. La tête du bébé couronne et j'accours auprès d'elle afin de pouvoir immortaliser la naissance en photo. Les deux sages-femmes se lèvent rapidement de la table à manger où elles observaient tout en notant la naissance pour le dossier.


Cléo naît, en une seule poussée physiologique dans la nuit du 18 Décembre, à 00h30.


Jonathan nous l'avait prédit!!! Camille crie en voyant sa fille, un cri d'excitation, de fierté, de victoire! Cléo avait un petit tour de cordon autour du cou et la sage-femme s'empresse de le dérouler avant de la déposer sur sa maman. Moi, derrière ma caméra, je pleure et je tremble de bonheur. Je pleure parce que je viens d'assister à l'évènement le plus précieux dans une vie, je pleure parce que Camille a été une reine, je pleure parce que Cléo est enfin là! Je prends pleins de photos en rafales puis me tourne vers mon amie Rosalie et voit que je ne suis pas la seule à pleurer. Je vais m'asseoir à ses côtés et nous pleurons ensemble, de bonheur face à cette magnifique naissance que nous venons de témoigner. Cléo aura été le premier bébé que j'ai vue naître, autre que mes propres enfants. En plus d'être la fille de mon amie, elle aura toujours une place importante dans mon cœur grâce à cet événement magique.