Le 9 Septembre au matin, Karianne me texte autour de 7h pour me dire que le travail est débuté. Elle se repose dans le bain mais elle sent que ce sera aujourd'hui. Elle est à 40 semaines et 3 jours! Je lui envoie un message pour lui demander de me tenir au courant, qu'elle fait bien ça et que son bébé s'en vient nous rejoindre! Rapidement, de mon côté, j'organise ma journée, je demande à une amie si elle peut garder mon bébé et j'envoie ma grande chez ma grand-mère! Je prépare mon sac de doula, je m'assure que les batteries de mon appareil photo sont chargés, je me fait un sac de collation puis on quitte la maison. Ma fille est heureuse d'aller voir sa nounou et de passer la journée avec elle! Je me rends ensuite à Cowansville chez mon amie qui gardera mon bébé pour le reste de la journée et j'attends que ma cliente me donne plus d'informations quant à la progression de son travail. Je me tire du lait en prévision mais je suis quand même stressé puisque mon bébé ne boit pas au biberon. Je me répète qu'il sera entre de bonne main. Vers 11h ma cliente me texte qu'elle et son conjoint se mette en route vers l'hôpital Brome-Missisquoi.


Comme c'était la première fois que j'allais à cet hôpital et je me suis un peu perdu en cherchant l'unité des naissances. Heureusement, je suis arrivé un peu avant ma cliente et nous sommes allés tous ensemble dans la salle d'observation. Au loin, sur l'étage, on entend une maman qui enfante. Le chant de la vie. Karianne à déjà très mal et elle peine à rester debout. J'essaie de l'inviter à bouger ses hanches lorsqu'elle a des contractions, je lui prête un peigne pour qu'elle puisse se faire elle-même des points de pressions dans sa main, je lui fais des contre-pression sur son bassin. L'infirmière lui demande de s'allonger mais la maman peine à trouver une position qui lui fait du bien et elle trouve ça difficile de se mettre sur le dos. Entre deux contractions, la praticienne réussit à vérifié le col de Karianne et estime qu'elle est dilaté à environ 2cm.


Nous pouvons nous diriger dans la chambre d'accouchement. Karianne essaie de gérer les contractions une à la fois mais semble avoir de la difficulté à les souffler doucement. Je lui propose donc de lui faire couler un bain afin de la soulager, ce qu'elle accepte. Dans le bain, je lui fait des points de pressions dans le bas du dos et demande à son conjoint s'il veut venir les faire à ma place puisque oui, je suis là pour les mamans, mais je ne veux remplacer personne. Je m'ajoute à l'équipe de naissance et je suis la petite abeille qui s'assure que tout va bien, que tout le monde est à la bonne place et qu'ils se sentent en confiance dans leurs rôles. Pendant que papa fait des points de pressions dans le dos, j'en profite pour prendre quelques clichés.


Sur cette naissance, je suis doula mais mon rôle de photographe m'accompagne toujours.

Le bain est petit est Karianne n'a pas l'espace pour bouger et trouver une position confortable, elle décide donc de sortir rapidement du bain. Les contractions sont assez rapprochés et les points de pressions sont vraiment salvateurs pour ma cliente. Lorsque son conjoint vient prendre le relai, je me dépêche d'aller chercher de la glace pour faire des compresses froides. Dans le corridor, je croise une infirmière qui s'avère être la cousine de Karianne. Je fais donc un compte rendu à Alexandra et nous nous rendons ensemble dans la chambre pour soutenir les parents.


Vers 13h, les sons que la maman fait sont de plus en plus aigus. Elle peine à accueillir la douleur et demande à ce qu'on lui donne la péridurale. Les infirmières vérifient le col de Karianne afin de voir si elle peut l'avoir, puis elles vont chercher l'anesthésiste. Karianne est alors dilaté à 6cm. Elle demande à ce qu'on fasse toujours les points de pressions près du sacrum à chaque vague parce qu'elle ressent les spasmes dans son dos. Même si le sentiment de soulagement est proche, il reste quelques contractions intenses à encaisser dans une position peu endurable afin de pouvoir recevoir l'épidurale dans son dos. Alexandra et moi-même sommes devant Karianne afin de l'aider à traverser ce moment plus intense.

La maman décide de se reposer suite à la pose de l'anesthésie, afin d'être prête pour la naissance. Elle essaie de faire un petit somme et j'en profite pour aller me chercher quelque chose à manger au bistro en face de la rue. Ça fait du bien de prendre une petite pause pour moi aussi, de respirer l'air de l'extérieur, de manger, de prendre des nouvelles de mon fils aussi. Tout va bien, je retourne auprès des parents dans la chambre. La péridurale fait bien effet, Karianne se sent bien et reposée, mais on ne doit pas oublier que c'est en bougeant que la naissance pourra progresser. Vers 15h30, les infirmières proposent du syntocinon afin d'aider les contractions à repartir de plus belle et d'aider Karianne à faire le travail puisqu'elle ne peut plus se mouvoir comme avant à cause de la péridurale. Alexandra aide sa cousine à se lever, faire quelques pas, vider sa vessie au toilette, revenir sur son lit. Je suis en arrière et je traîne le poteau de soluté avec moi et nous orchestrons une chorégraphie de pas dans la petite chambre pour ne pas que Karianne s'emmêle dans ses fils. L'ambiance est douce dans la chambre, on ressent le lien familial qui unit les deux femmes. Vincent reste tout près de Karianne et lui parle doucement, il est présent mais je le sens dépassé de voir sa douce vivre tout ces bouleversements pour accueillir leur deuxième fille.


Vers 16h15, Karianne et son équipe médicale décident de percer la poche des eaux pour essayer d'accélérer le travail. La présence de méconium dans le liquide amniotique inquiète un peu le personnel infirmier mais la maman est déjà ouverte à 7cm, le travail avance bien. On installe un ballon sur le lit afin que la cliente se positionne à quatre pattes pour changer de position et aider bébé à se placer comme il faut. Je demande à Karianne si elle a une playlist d'accouchement et elle me dit que non mais qu'elle aimerait bien écouter la chanson ''Flowers need rain''.


Ce sera d'ailleurs une chanson spéciale dans mon cœur depuis cette journée. Chaque fois que je l'entends, je pense à cette journée passé en compagnie de Karianne et Vincent.


La maman se balance sur son ballon au rythme de la mélodie et on la fait jouer quelques fois de suite, puis Karianne me partage qu'elle ne veut plus écouter la chanson, elle veut du calme, c'est le temps de se concentrer. Elle nous fait part qu'elle ressent une pression dans son col, elle sent son bébé qui pousse doucement et ça rend tout le monde heureux. Karianne nous dit qu'elle aime bien cette position de travail et qu'elle se verrait bien donner naissance dans cette position. Ou bien assis sur le bord du lit. Vers 16h45, la maman demande à manger mais ne se fait offrir que du jello. Elle accepte et mange ce qu'elle peut.


Lors d'une pause pipi, Karianne tombe en se rendant au toilette. L'effet de la péridurale sur ses jambes se fait ressentir et elle ne sent plus son côté gauche. J'étais parti au toilette pendant ce temps et lorsque je reviens, elle est assise sur le ballon au côté du lit, avec une chaise roulante tout près du lit. Son moral est encore bon malgré sa chute.

17h45, les doses de synto, de péridurale, la pression, les contractions, tout ce mélange d'émotions font vomir Karianne. C'est fréquent lors d'une naissance, que la maman soit malade. Je n'ai eu aucun accompagnement à date où je n'ai pas vue la maman en travail ne pas vomir! On se dépêche de sortir les bols, laver les vieux, donner des débarbouillettes à la maman. Le travail ne progresse plus vraiment, le dernier toucher vaginal informe l'infirmière que la dilatation du col stagne à 7cm. Puisque ça ne progresse pas, qu'il y avait présence de méconium dans le liquide amniotique, et que c'est une tentative d'AVAC, Alexandra informe Karianne de la possibilité de donner naissance par césarienne.


Les parents ne sont pas très chaud à l'idée, ils savent ce que ça engendre. Vincent, le papa est étudiant et ne peux pas prendre beaucoup de jour de congé et Karianne ne s'imagine pas être seule avec un bébé naissant, sa grande fille de deux ans et un corps post-opération surtout. De plus elle a de mauvais souvenirs suite à l'anesthésie générale qu'elle avait eu lors de son premier accouchement. Je sens que les parents sont stressés avec ce qui s'en vient.

La médecin vient voir comment bébé est placé avant de devoir prendre une décision. Puisque la grossesse est à terme, et que la machine n'est pas au top de la technologie, on ne voit pas grand chose sur l'échographe. Bébé n'est pas super bien placé pour faire ouvrir le col de sa maman, et c'est pour ça que ça ne progresse pas assez. Sa tête appuie sur le côté de l'utérus et la pression ne permet pas de faire dilater comme il faut. Plus la journée avance, plus la césarienne semble la seule option pour accueillir bébé dans les bras de ses parents.


Vers 19h, les parents prennent la décision d'avoir recours à la chirurgie puisque cela semble la seule option possible pour cette naissance. La maman a été tellement forte et résiliante tout le long, sa décision est la bonne pour elle et pour bébé. Elle me demande quand même d'avoir l'option d'avoir une empreinte de son placenta comme nous avions parlé lors de nos rencontre prénatale. J'ai donc pu laisser des papiers buvard au bureau des infirmières afin que Karianne puisse conserver l'empreinte de l'arbre de vie de son bébé, la première maison de sa fille.

À 20h41, le 09.09.2023, Julia est née.